Conséquences de l’éviction irrégulière d’un agent public

Un agent public irrégulièrement évincé du service peut, s’il ne peut prétendre, en l’absence de service fait, au rappel de son traitement, est fondé à obtenir, après constat de cette irrégularité par le juge, le versement d’une indemnité correspondant « au préjudice qu’il a réellement subi du fait de la mesure illégale dont il a été l’objet » (CE Assemblée, 07/07/1989, M. Pierre X., n° 56627 – CE, 07/04/1993, n° 04711).

Ainsi, pour déterminer le montant de l’indemnité due à l’agent, le juge prend en considération d’une part, les traitements et primes dont l’agent avait « une chance sérieuse de bénéficier » (CE Avis, 28/05/2014, n° 376501) , d’autre part le montant des revenus, toutes origines confondues, dont il a bénéficié durant la période d’éviction irrégulière.

Le préjudice de l’agent est par conséquent déterminé après déduction des gains dont il a bénéficié au cours de la période concernée, notamment les revenus de remplacement et les salaires et rémunérations qu’il a pu se procurer par son travail (CE Section, 06/12/2013, Cne d’Ajaccio, n° 365155CAA Paris, 18/02/2014, Mlle K. / Agence française de l’adoption, n° 13PA00629).

Le Tribunal administratif de Strasbourg a récemment précisé que les bénéfices industriels et commerciaux perçus par l’agent en sa qualité de gérant de société devaient également être déduits de l’indemnisation à laquelle celui-ci peut prétendre du fait de son éviction irrégulière, quand bien même il aurait fait le choix de ne pas les percevoir pour les conserver dans le patrimoine de la société (TA Strasbourg, 22/07/2016, n° 1403950).

Par ailleurs, les primes et indemnités qui « eu égard à leur nature, à leur objet, et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l’exercice effectif des fonctions » (CE, 19/08/2016, Cne de Maromme, n° 393646) ne sont pas prises en compte pour le calcul de l’indemnisation de l’agent.

L’importance respectives des irrégularités de la décision d’éviction et des fautes commises par l’agent peuvent également être de nature à influer sur le montant de l’indemnisation à laquelle il peut prétendre (CE Section, 06/12/2013, Cne d’Ajaccio, n° 365155 – CE Avis, 28/05/2014, n° 676501).

Le juge administratif peut ainsi « pour tenir compte des fautes commises par l’intéressé, lui laisser supporter une quote-part du préjudice qu’il a subi » (CE, 20/12/2000, Mme Marchal, n° 189264). Tel est notamment le cas lorsque la décision irrégulière sanctionnait des absences injustifiées (CAA Paris, 27/05/1997, Cne de Moiret-sur-Loing, n° 95PA03330)

Parallèlement, il a été considéré que lorsque la décision d’éviction n’était entachée que d’une illégalité externe, l’agent évincé perdait tout droit à indemnisation, dès lors que les faits qui lui étaient reprochés étaient établis et de nature à justifier une sanction (CE, 18/06/1986, Centre Hospitalier de Mulhouse, n° 49813 – CAA Marseille, 11/06/2013, CCI Nice-Côte d’Azur, n° 10MA03057).

Cette analyse a été récemment confirmée par le Conseil d’Etat qui a jugé que lorsque les fautes imputées à l’agent sont d’une gravité suffisante pour justifier sa révocation, il n’était pas fondé à obtenir l’indemnisation de la perte de revenu liée à son éviction, du fait de l’absence de lien de causalité entre l’illégalité commise et le préjudice (CE, 05/10/2016, M. A., n° 380783).

L’agent irrégulièrement évincé a également droit à la reconstitution de sa carrière et des droits sociaux qui y sont attachés, en procédant au paiement des parts salariale et patronale des cotisations sociales qui auraient du être versées aux organismes compétents durant la période d’éviction (CE, 23/12/2011, n° 347178), sans qu’il puisse être tenu compte des revenus de remplacement perçus par l’agent pour en déterminer l’assiette (TA Strasbourg, 22/07/2016, n° 1406803).

Si l’agent concerné se contente, sans demander l’annulation de la décision d’éviction, de formuler des demandes indemnitaires au titre du préjudice subi de fait de l’illégalité fautive commise par l’administration, il ne pourra obtenir sa réintégration, mais demeure fondé à obtenir une indemnité « versée pour solde de tout compte, et déterminée en tenant compte notamment de la nature et de la gravité des illégalités affectant la mesure d’éviction, de l’ancienneté de l’intéressé, de sa rémunération antérieure, ainsi que, le cas échéant, des fautes qu’il a commises » (CE, 22/09/2014, n° 365199).

Enfin, si le poste occupé par l’agent a été supprimé entre la date d’éviction irrégulière et la date à laquelle le juge statue, son droit à indemnisation sera, en l’absence de possibilité de réintégration effective, déterminé forfaitairement par le juge (TA Lyon, 03/05/2016, M. C., n° 1404779).

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